Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 25 octobre 2012

Sarkozy-Kadhafi: dix mois d’enquêtes


Le financier secret qui met en danger le clan Sarkozy 

Brice Hortefeux et Ziad Takieddine.© Photo Mediapart



Il est le suspect n°1 dans le volet financier de l'affaire Karachi. Il est aussi celui dont les secrets mettent en danger la présidence de la République. Mediapart dévoile une série de documents et de photos inédites entre l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine et le premier cercle du chef de l’État. Sont concernés: Brice Hortefeux, Thierry Gaubert, Jean-François Copé, Claude Guéant, Pierre Charon, Dominique Desseigne...



Le marchand d'armes de la Sarkozie ne paie pas d'impôts 

Ziad Takieddine est un contribuable comblé. Le marchand d'armes ami de la Sarkozie, principal suspect dans le volet financier de l'affaire Karachi, ne paie pas d'impôt sur le revenu, ni d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Résident fiscal en France, il y possède un patrimoine estimé à plus de 40 millions d'euros, selon des documents obtenus par Mediapart.



Sarkozy-Takieddine: un secret à 350 millions d'euros 

Il s'agit de l'un des secrets les mieux gardés du clan Sarkozy. L'homme d'affaires Ziad Takieddine, principal suspect dans le volet financier de l'affaire Karachi, devait toucher en 2003 des commissions occultes d'un montant de 350 millions d'euros dans le cadre d'un marché d'armement avec l'Arabie saoudite. Les fonds devaient être versés, sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, via une société contrôlée par le ministère de l'intérieur.


Le jour où le clan Sarkozy a sauvé la vie du marchand d'armes 

MM. Copé et Takieddine© Mediapart

En avril 2004, Thierry Gaubert, ancien collaborateur et ami du chef de l'Etat, et Jean-François Copé, ministre délégué auprès de Nicolas Sarkozy, ont organisé l'hospitalisation et le rapatriement d'urgence à Paris du principal suspect du volet financier de l'affaire Karachi. Il venait d'être victime d'un mystérieux accident sur l'île Moustique.



Les négociations secrètes de l'Elysée pour blanchir le bras droit de Kadhafi 

A.Senoussi© (dr.)


Le marchand d'armes Ziad Takieddine, principal suspect dans le volet financier de l'affaire Karachi, a été l'émissaire secret de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant en Libye, de 2005 jusqu'en 2009. Selon des documents recueillis par Mediapart, l'équipe de Nicolas Sarkozy a tout fait, par l'intermédiaire de Takieddine, pour répondre favorablement à une des exigences du régime: sauver la mise judiciaire d'Abdallah Senoussi, patron des services spéciaux libyens et beau-frère de Kadhafi, condamné à une peine de perpétuité en France dans l'affaire de l'attentat contre le DC10 d'UTA et visé depuis lors par un mandat d'arrêt international.


Quand Mougeotte dînait chez «M. Ziad» 

MM. Mougeotte et Copé. © (dr.)


Mediapart a obtenu la copie d'un petit album photo d'une soirée organisée par Ziad Takieddine, principal suspect dans le volet financier de l'affaire Karachi, le 20 juin 2002, à son domicile parisien. Outre les politiques proches du marchand d'armes, hauts fonctionnaires, industriels et personnalités des médias se sont retrouvés à sa table: Etienne Mougeotte, Charles Villeneuve, Thierry Dassault (le fils de Serge)...


Sarkozy-Guéant: le grand soupçon libyen 


Mediapart publie une dizaine de documents confidentiels qui dévoilent la face cachée du cabinet de Nicolas Sarkozy, du ministère de l'intérieur à l'Elysée.

Le marchand d'armes Ziad Takieddine, principal suspect dans le volet financier de l'affaire Karachi, a bénéficié de la caution de la place Beauvau et de la présidence de la République pour décrocher des contrats avec le régime libyen.

 L’intermédiaire a obtenu en 2007 des commissions occultes sur des matériels de guerre électronique livrés à la Libye, destinés à contrer la surveillance des services secrets occidentaux.

 Devant la commission d'enquête parlementaire sur la libération des infirmières bulgares, Claude Guéant avait affirmé: «La France n’a pas échangé leur élargissement contre des perspectives de coopération supplémentaires.» Il a menti.


La sale vérité du sarkozysme 

Les documents Takieddine dévoilent la vérité de la présidence de Nicolas Sarkozy. Ayant pour fil conducteur l'argent noir des ventes d'armes, cette documentation met à nu un système dont l'intérêt financier est le seul mobile.


Syrie: l'inavouable diplomatie occulte de l'Elysée avec la dictature 

M. Sarkozy et Assad© Reuters

Les frontières des compromissions du sarkozysme avec les régimes autoritaires s'agrandissent. Après le Pakistan, l'Arabie saoudite et la Libye: la Syrie. Alors que les forces de sécurité syriennes continuent de réprimer dans le sang les manifestations, Mediapart publie une série de documents inédits qui prouvent que le marchand d'armes Ziad Takieddine, soupçonné de financement politique occulte dans l'affaire Karachi, a été, entre 2007 et 2009, l'homme-orchestre du rapprochement entre la France et la Syrie et l'introducteur du président français auprès du chef de l'Etat syrien. Le tout sur fond d'intérêts financiers.


Le marchand d'armes, le neveu Kadhafi et les prostituées tabassées à Londres 



Entre 2006 et 2008, le marchand d'armes Ziad Takieddine a placé sous sa triple protection ­– financière, juridique et immobilière – le neveu du dictateur libyen Mouammar Kadhafi (photo) à l'époque où il était accusé par la justice anglaise d'avoir tabassé deux prostituées à Londres, selon plusieurs documents recueillis par Mediapart. Dans le même temps, Ziad Takieddine négociait, avec le soutien du ministère de l'intérieur français puis de l'Elysée, de juteux marchés commerciaux en Libye.



L'émissaire du clan Sarkozy en Libye rétribué secrètement par Total 

En 2009, le groupe Total a versé 6,9 millions d'euros à l'homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine pour un contrat gazier en Libye. Le directeur général du groupe, Christophe de Margerie, a personnellement supervisé l'opération, avec le feu vert de Claude Guéant, alors secrétaire général de l'Elysée. Mediapart publie les documents.


Comment la DGSE a protégé l’émissaire du clan Sarkozy 

La Direction générale de la sécurité extérieure a dissimulé aux juges de l'affaire Karachi ses informations sur l'homme d'affaires franco-libanais. Secondé par une société d'intelligence économique, Ziad Takieddine avait proposé en 2005 à la DGSE de lui livrer «des renseignements touchant à la sécurité extérieure de la France».



La justice gèle les avoirs du marchand d'armes 

Alors que Ziad Takieddine aurait tenté de disperser son patrimoine, sa femme, Nicola Johnson, a obtenu, début août, le gel des avoirs du marchand d'armes proche du clan Sarkozy par une juge aux affaires familiales. Par ailleurs, le juge Renaud Van Ruymbeke, chargé du volet financier du dossier Karachi, s'empare de l'affaire et a fait convoquer pour ce mardi l'épouse de l'homme d'affaires franco-libanais, en instance de divorce, par la police.


Livré par le clan Sarkozy, le 4×4 français qui protège Kadhafi 


Avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy, Ziad Takieddine a fourni en 2008 au dictateur libyen un 4×4 ultra-sécurisé fabriqué par la société française Bull-Amesys. Vendu 4 millions d'euros, ce véhicule furtif devait permettre à Mouammar Kadhafi de passer entre les bombes. Mediapart publie de nouveaux documents exclusifs sur les relations franco-libyennes d'avant guerre.


Les pièces qui accablent les hommes du Président 

Takieddine, Desseigne et Gaubert.

Les juges se rapprochent dangereusement du plus haut niveau de l'Etat. Une semaine après la mise en examen du marchand d'armes Ziad Takieddine par le juge Renaud Van Ruymbeke, deux proches du président de la République, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire, ont été placés en garde à vue puis mis en examen. Mediapart fait le point sur cette affaire d'Etat.


Les preuves de l’espionnage français du net libyen 


La société française Amesys, filiale du groupe Bull, a bien vendu aux Libyens un vaste système d'espionnage du net. L'intégralité du contrat, aujourd'hui dévoilée par Mediapart, présente même des traces d'interceptions de mails au sein d'un laboratoire de l'université Paris-VI. Pour tenter d'étouffer le scandale, Amesys menace de poursuites judiciaires ses anciens salariés qui parleraient à la presse.


Pour l’Elysée, Takieddine espérait aussi faire libérer Ingrid Betancourt 

Selon de nouvelles notes obtenues par Mediapart, le marchand d'armes a offert à l'Elysée la médiation de Kadhafi pour obtenir des FARC qu'elles libèrent Ingrid Betancourt en 2008. Le scénario aurait été supervisé par Claude Guéant et suggérait l'envoi de Brice Hortefeux en Colombie.


Mme Takieddine sort du silence: «Ziad m’a toujours dit qu’il était protégé» 

Nicola Johnson.© Hugo Vitrani


Nicola Johnson, l'ex-épouse du marchand d'armes Ziad Takieddine, contre-attaque. Accusée par son ancien mari d'avoir «violé le secret défense» en communiquant des pièces à la justice, elle annonce dans un entretien le dépôt de trois plaintes contre Ziad Takieddine.



Takieddine: son deal avec Chirac, les paiements de Hariri 

Ziad Takieddine a fait intervenir l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri auprès de son «ami» Jacques Chirac afin de recevoir ses commissions bloquées sur la vente des frégates à l'Arabie saoudite. Mediapart révèle un courrier inédit du marchand d'armes à M. Hariri, et ses explications sur les 130 millions de dollars reçus. Un scénario qui laisse entrevoir un deal mettant fin à la querelle des commissions entre ex-balladuriens et chiraquiens.


2002: Takieddine fête sur son yacht l’ancien patron des douanes et du budget 

M. Duhamel, au centre.

En 2002, Ziad Takieddine invite celui qui allait devenir directeur du budget, Pierre-Mathieu Duhamel, sur son yacht La Diva, immatriculé au Luxembourg. Cette découverte relance les interrogations sur l'absence d'investigations fiscales sur la situation du marchand d'armes.


En Colombie, le palais caché d'un homme du Président 

Le balcon de la maison Gaubert.© dr

Mediapart s'est rendu à Nilo, en Colombie, sur les traces de la propriété édifiée par Thierry Gaubert, en 2001, au cœur des Andes. Bâtie avec de l'argent noir et dissimulée au fisc français, la résidence de l'ancien conseiller de Sarkozy a accueilli le marchand d'armes Ziad Takieddine, l'avionneur et député UMP Olivier Dassault, et l'actuel patron d'Air France, Alexandre de Juniac. 


Dassault, Takieddine, Juniac, Gaubert : l'album photos du clan présidentiel en Colombie 

MM. Takieddine, Gaubert et Dassault.© (dr)


Mediapart s'est procuré les photos des visiteurs de Thierry Gaubert en Colombie, là où le protégé du chef de l'Etat s'est fait construire un palais qu'il soustrait depuis dix ans à la curiosité du fisc français. On y découvre le marchand d'armes Ziad Takieddine, le député UMP Olivier Dassault ou l'actuel président d'Air France, Alexandre de Juniac, ancien directeur adjoint de cabinet de Nicolas Sarkozy.


Nibar et Nichon, les drôles d'affaires de Thierry Gaubert et de son associé 

La police de Bogota a engagé des investigations pour blanchiment présumé visant les propriétés de Thierry Gaubert et de son associé en Colombie, Jean-Philippe Couzi. Après avoir construit leurs villas avec des fonds occultes, les deux hommes ont monté des bars dans le village de Nilo: le Nibar et le Nichon, qui attirent, eux, d'autres soupçons. En France, Hélène Gaubert et Astrid Betancourt ont accusé leurs maris d'héberger des prostituées. Les intéressés démentent.


La justice enquête sur l’espionnage du Net libyen 


La société française Amesys, qui a fourni du matériel d'espionnage électronique au régime de Kadhafi avec l'appui de Nicolas Sarkozy, au ministère de l'intérieur puis à l'Elysée, se retrouve désormais au centre d'investigations judiciaires. Le procureur de la République d'Aix-en-Provence vient d'ouvrir une enquête préliminaire visant Amesys, après le dépôt d'une plainte de l'ONG Sherpa.


Des espèces pour le clan Sarkozy 

L'ex-femme de M. Takieddine a assuré sur procès-verbal que son mari aurait remis des espèces à Brice Hortefeux en 2005. «Une plaisanterie», selon le n°2 de l'UMP.Les juges ont longuement interrogé un ancien collaborateur du chef de l'État, Thierry Gaubert, au sujet de fonds déposés sur un compte en Suisse, entre 1995 et 2000.En juillet 1994, Ziad Takieddine a été interpellé à la frontière suisse en possession de 500.000 francs en espèces, qu'il n'avait pas déclarés. 


Sarkozy coincé, Léotard fragilisé 

Les interrogatoires de l'ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres et des ex-dirigeants de la Direction des constructions navales révèlent la responsabilité du ministre de la défense, François Léotard, dans le choix des intermédiaires, et celle du ministre du budget, Nicolas Sarkozy, dans la validation financière des contrats Sawari 2 et Agosta. Un document inédit du 30 mars 1995 prouve qu'un feu vert a bien été donné par le ministre du budget afin d'apporter la garantie de l'Etat à l'office d'armement Sofresa dans la vente des frégates saoudiennes.


La police enquête sur une ristourne fiscale de Copé 

La police judiciaire enquête sur une faveur fiscale accordée par Jean-François Copé à l'époque où il était ministre du budget. Les faits portent sur l'effacement, en 2005, des deux tiers de la dette fiscale d'un riche homme d'affaires. Une ristourne de 4 millions d'euros obtenue grâce à l'intervention de Nicolas Bazire et Ziad Takieddine, selon l'ex-femme du marchand d'armes.



82,6 millions d'euros détournés par les balladuriens 

Selon les documents de l’enquête consultés par Mediapart, 82,6 millions d’euros ont été versés au réseau d’intermédiaires Ziad Takieddine et Abdul Rahman El-Assir dans l'affaire des ventes d'armes du gouvernement Balladur au Pakistan et l'Arabie saoudite.


L’associé de Takieddine est recherché pour blanchiment 

Les juges sont à la recherche d’Abdul Rahman El Assir, bénéficiaire avec Ziad Takieddine des commissions occultes dans l’affaire des ventes d’armes à l'Arabie saoudite et au Pakistan. L’Espagne a émis un mandat d'arrêt international pour « blanchiment ». Enquête sur le fantôme de l'affaire Karachi.


Thierry Gaubert, un homme du Président cerné par le fisc et Tracfin 

Les multiples découvertes de la justice en marge de l’affaire Takieddine sur les avoirs occultes en Suisse, aux Bahamas ou en Colombie de Thierry Gaubert ont conduit, mi-février, le fisc à ouvrir une enquête sur l'ami et ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy. En parallèle, la cellule Tracfin a saisi le parquet de Nanterre de soupçons de « blanchiment de fonds issus d’une activité délictueuse ».


Présidentielle 2007: Kadhafi aurait financé Sarkozy 

Selon un document consulté par Mediapart, le marchand d’armes Ziad Takieddine, organisateur en 2005 et 2007 des visites de Nicolas Sarkozy et de ses proches en Libye, aurait mis en place les « modalités de financement » de sa campagne présidentielle de 2007 par le régime de Kadhafi, en lien avec Brice Hortefeux, alors ministre des collectivités locales, et Saïf al-Islam. Un montant de 50 millions d'euros, une banque suisse et un compte à Panama sont évoqués.


Kadhafi-Sarkozy : nos nouvelles révélations 

Jean-Charles Brisard, l’auteur du mémo sur le financement par le régime libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, confirme lors d'un entretien avec Mediapart la mention du nom de l’ancien ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux, dans le montage financier. Il affirme détenir « un classeur » et disposer « des montants, des noms, des pays, des dates précises ».


Comment Kadhafi aurait-il pu financer la campagne de Sarkozy?

Le régime de Kadhafi avait promis de lâcher un "grave secret" sur l'élection de Nicolas Sarkozy, un secret susceptible d'entraîner sa chute. Ce mercredi, on a vu. Enfin presque.  

Selon le fils du dictateur, Saïf al-Islam, la Libye aurait financé la campagne présidentielle de l'actuel chef de l'Etat: "Il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve."  

Les preuves justement n'ont toujours pas été publiées, rendant toutes vérifications impossibles. Saïf al-Islam affirme pourtant qu'il est "prêt à tout révéler. [...] Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement."  

En attendant les "révélations" du régime libyen, on peut s'interroger sur la possibilité pour un Etat étranger de financer la campagne d'un candidat français. L'article L52-8 du code électoral y répond clairement: "Aucun candidat ne peut recevoir, directement ou indirectement, pour quelque dépense que ce soit, des contributions ou aides matérielles d'un Etat étranger ou d'une personne morale de droit étranger."  

Cela est d'ailleurs valable pour toute personne morale, à l'exception des partis politiques, seule entité à pouvoir financer un candidat. Sans aucune limite.  

D'importants efforts pour pas grand chose

En revanche, rien n'empêche une personne physique étrangère de verser de l'argent à un présidentiable français, explique la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). A condition qu'il respecte les limites: 7500 euros par parti et par an. Ou 4600 euros par élection. Par élection, et non par candidat.  

Conclusion: Tripoli n'a pas pu financer la campagne de Nicolas Sarkozy. A moins de passer par des particuliers. Admettons que la somme atteigne 100 000 euros -une somme franchement ridicule compte tenu du budget d'une campagne présidentielle, 20 millions d'euros en 2007 pour l'UMP. Pour verser légalement ces 100 000 euros, il faudrait trouver 22 volontaires. Cela représente beaucoup d'efforts pour une somme ridicule.  

A moins de passer par des moyens détournés. En arrosant des micro-partis, qui financeraient ensuite la campagne. Pour verser 100 000 euros, il faudrait alors faire des dons de 7500 euros à 13 formations politiques, qui reverseraient ensuite à leur parti satellite ou directement au candidat. De tels mouvements n'apparaissent à aucun moment dans le rapport 2008 de la CNCCFP.  


Une centrale atomique pour Kadhafi contre la libération des infirmières bulgares 

“C’est dur”, se plaignait à l’époque Nicolas Sarkozy, qui négociait avec le colonel Kadhafi la grâce des cinq infirmières et du médecin bulgares emprisonnés à vie pour avoir, selon la justice libyenne, volontairement inoculé le virus du sida à des enfants. Ce fut “dur” mais il y parvint et ce fut son triomphe : tous furent libérés. Depuis, les soupçons pèsent : qu’a promis Nicolas Sarkozy à Kadhafi en échange de son geste humanitaire ? Le jour même du retour des infirmières en Bulgarie, les Verts français l’accusaient d’être allé jusqu’à acheter la clémence du dirigeant libyen en échange d’un objet dangereux : la puissance atomique. Depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy oppose à cette accusation toujours la même réponse : rien, rien offert, rien dealé en cachette. Comment aurait-il donné l’atome à un fou, et en échange d’un cadeau diplomatique ?
 
Mardi 17 avril, juste avant le premier tour de l’élection présidentielle, un journaliste de France Inter revient sur le sujet. Nicolas Sarkozy réplique par sa spécialité, la réponse “coup de poing en retour”. Il accuse le questionneur et le plante devant une autre question : “Entre ceux qui disent que monsieur Kadhafi a payé ma campagne et les autres qu’on voulait lui offrir une centrale nucléaire, est-ce que vous croyez vraiment, sermonne-t-il, que j’aurais fait tout cela, si tout ça était vrai ?”
 
Aujourd’hui, dans les archives de l’Elysée et du Quai d’Orsay s’entassent d’épais dossiers confidentiels relatifs à l’affaire Kadhafi. Les Inrockuptibles ont pu en consulter plusieurs. Voici ce qui s’est négocié entre la France et la Libye, en juillet 2007, la semaine précédant la libération des infirmières bulgares. Ces documents nous apprennent d’abord que l’essentiel de l’affaire s’est soldé en sept jours, en une succession de bluffs, loin du temps long de la raison diplomatique. Le sort des infirmières bulgares s’est joué sur des missiles français et une centrale nucléaire.
 
L’histoire débute à l’ambassade de France à Tripoli, le lundi 16 juillet 2007, une semaine avant la libération des infirmières. Jean-Luc Sibiude, l’ambassadeur, reçoit à 20 h 55 un télégramme chiffré de Paris. Le message, d’un haut niveau de confidentialité, est signé d’un conseiller de Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères. On y lit “Pour l’ambassadeur seul”. Paris demande à son diplomate “d’approcher au plus haut niveau les autorités libyennes pour leur soumettre un projet d’accord-cadre de coopération franco-libyenne”. Cela fait trois mois que Sarkozy s’active pour persuader Kadhafi de libérer les infirmières. Il a impliqué son épouse Cécilia, qui multiplie les voyages à Tripoli pour amadouer le Libyen.
 
Depuis l’Elysée, il téléphone de temps en temps à Kadhafi pour évoquer des dossiers importants : les infirmières, bien sûr, mais aussi un projet d’accord franco-libyen qui apporterait des contrats aux entreprises françaises et relancerait l’économie libyenne après une décennie d’embargo. C’est le “projet d’accord-cadre de coopération” que Paris mentionne dans sa demande à son ambassadeur. Ce projet d’accord serait-il conditionné à la libération des infirmières bulgares ? Le conseiller de Kouchner l’explique lui-même à l’ambassadeur :
 
“Ce texte pourrait être signé lors de la visite qu’envisage de faire le président de la République en Libye, si nous avons reçu d’ici là la confirmation de l’extradition des infirmières.”
 
Laissons le style diplomatique et traduisons : libère les infirmières et je te signe un accord de coopération entre nos deux Etats. Cette proposition montre déjà que, contrairement à ce que jure Nicolas Sarkozy depuis cinq ans, il existait bien un marchandage entre lui et le colonel Kadhafi, liant la libération des infirmières bulgares à la signature d’un accord de coopération.
 
Mais que propose exactement Nicolas Sarkozy à Mouammar Kadhafi ? Le conseiller de Kouchner le révèle dans sa demande à l’ambassadeur : “Vous soulignerez que cet accord couvre tous les domaines (…) et points d’accord convenus lors des entretiens téléphoniques entre le Président et le Guide.” Le télégramme diplomatique liste ces “points d’accord” : ils touchent à tout ce qui peut permettre à la Libye de redémarrer son économie et de retrouver sa place parmi les nations. Paris les énumère : “dialogue politique”, “Méditerranée”, “Afrique”, “coopération”, “économie”, “lutte contre le terrorisme”, “sécurité”, “immigration illégale”. Dans la liste s’en glisse un presque invisible entre “coopération” et “économie”. Pourtant, il nous saute aux yeux comme il sautera aux yeux de Kadhafi : “nucléaire”.
 
Nicolas Sarkozy enverrait-il ici une sorte de message codé qui dirait : si tu libères les infirmières bulgares, tu gagneras un programme nucléaire ? La suite des discussions va le démontrer.
 
L’ambassadeur exécute l’ordre : il communique aux Libyens la proposition d’accord. Deux jours plus tard, le jeudi 19 juillet, il envoie à Paris la réponse des Libyens. Son télégramme diplomatique avertit le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, que Kadhafi a apprécié la lecture du mot “nucléaire” dans la proposition envoyée par la France. L’ambassadeur écrit, à propos de “la réalisation d’un programme électronucléaire en Libye”, que “sa mention dans l’accord-cadre est un geste politique majeur de notre part”. Traduisez : merci, les Français, de ne pas oublier ce qu’on attend de vous. L’ambassadeur ajoute que “les Libyens attendaient ce signal qui répond à une demande personnelle du colonel Kadhafi”.
 
En résumé, les Libyens ont saisi l’allusion et relevé le mot-clé important : “nucléaire”. Des deux côtés, on sait maintenant sur quoi on négocie. Sarkozy veut la libération des infirmières, Kadhafi veut l’atome. Le Libyen va maintenant préciser sa demande. Nous sommes le vendredi 20 juillet 2007, jour chômé en Libye. Le ministère libyen des Affaires étrangères convoque notre ambassadeur “en urgence”. Une fois là-bas, deux hauts responsables libyens remettent au Français deux documents rédigés par leurs soins. Le premier est un accord militaire. L’ambassadeur le lit et découvre la dernière gourmandise de Kadhafi : il veut des armes de guerre, des missiles, du matériel de sécurité français pour maintenir l’ordre en Libye. Il désire que des officiers français viennent former les unités spéciales de son armée. Il réclame aussi, et cela l’ambassadeur le lit dans le second document, une centrale atomique.
 
Problème. La France sait d’expérience que Kadhafi est imprévisible, capable de retournements aussi inattendus que menaçants. Donner le nucléaire à cet homme qui fit jadis exploser des avions civils et des bombes, ce n’est pas comme confier l’atome à Nelson Mandela. L’ambassadeur a un réflexe de précaution : il modère la demande des Libyens. Il les prévient : si Sarkozy débarque dans les trois jours en cas de libération des infirmières bulgares, le calendrier lui paraît un peu court pour finaliser deux textes aussi importants. Les Libyens reconnaissent le problème mais insistent : il serait bon pour la suite que la France “prenne connaissance” de leur proposition.
 
L’ambassadeur repart avec les deux demandes libyennes, missiles et atome. A 15 h 13, il rédige pour Paris un télégramme confidentiel. Il insiste sur le message de Kadhafi :
 
“Les Libyens tenaient à marquer, par la remise de ces textes, toute l’importance que ces deux domaines stratégiques tiendront dans la relance de nos relations”.
 
Disons-le simplement : Kadhafi avertit que l’atome et les missiles conditionnent les ententes à venir. A quelques heures du déplacement de Sarkozy en Libye, que nous savons déjà conditionné par une libération des infirmières, le message est audacieux. Mais il va fonctionner.
 
Trois jours plus tard, dans la nuit du 23 juillet, l’ambassadeur reçoit un nouveau télégramme confidentiel de Paris : l’accord nucléaire de Kadhafi, accepté par les Français. Ceux-ci ont recopié mot pour mot la proposition libyenne. Une petite différence cependant. Les Libyens parlaient d’un “accord”, les Français d’un “mémorandum d’entente”. Serait-ce une ruse pour minimiser l’engagement de la France ? A en croire les explications de Paris, pas vraiment.
 
Dans son message chiffré, le Quai d’Orsay explique à son ambassadeur la raison de ce changement de format juridique. Il s’agit de contourner les accords internationaux qui imposent des règles de prudence. Si la France veut vendre son atome en Afrique ou ailleurs, son engagement en matière de non-prolifération nucléaire l’oblige à consulter d’abord ses voisins européens. Si elle signe avec Kadhafi un “mémorandum d’entente”, elle s’en dispensera et tout ira plus vite. Comme l’écrit Paris à l’ambassadeur, la France cherche simplement à “éviter la lourdeur et les délais de la procédure de consultation que nos obligations à l’égard d’Euratom (Communauté européenne de l’énergie atomique – ndlr) nous imposent et qui n’auraient pas été compatibles avec notre volonté partagée de poser rapidement les bases de la coopération en ce domaine”.
 
Souvenons-nous des propos de Sarkozy en 2012, juste avant le premier tour de l’élection présidentielle. Sur France Inter, le 17 avril, il jurait qu’il “n’a jamais été question de vendre une centrale à monsieur Kadhafi”. En jouant sur les nuances, il pourrait soutenir qu’il s’agissait seulement de le lui faire espérer et qu’un “mémorandum d’entente” est loin d’engager comme un “accord”. Sauf que les documents, une nouvelle fois, laissent perplexe. Dans un autre télégramme diplomatique confidentiel français, daté du 2 août 2007, on peut lire noir sur blanc que la prochaine étape avec l’allié libyen consiste bien à signer un “accord” nucléaire. Le titre du paragraphe le confirme : “Coopération nucléaire”.
 
“L’étape à venir est celle de la conclusion d’un accord intergouvernemental”. Pour quand ? “L’idéal serait d’être en mesure de remettre (aux Libyens) un projet d’accord d’ici la fin du mois d’août.” Le gouvernement français leur a-t-il remis cet accord ? Au Quai d’Orsay, on ne nous a pas répondu. Revenons avec l’ambassadeur, dans la nuit du 23 juillet. Il est 22 h 11 quand celui-ci reçoit le “oui” français au projet nucléaire que réclame Kadhafi. Paris précise : il doit le remettre aux Libyens “dans les meilleurs délais”. Le texte ajoute une condition qui ne fait que confirmer le marchandage francolibyen : “Uniquement si (Paris a écrit la phrase entre doubles tirets pour la mettre en évidence – ndlr) les infirmières et le médecin sont d’ici là libérés”. Cela marche.
 
Le lendemain, mardi 24 juillet, Mouammar Kadhafi libère les infirmières bulgares. Mieux encore, il autorise Nicolas Sarkozy à les ramener en Bulgarie dans un avion de la République française. Triomphe de Nicolas et de Cécilia. Le Président ne régente la France que depuis deux mois et il vient de dénouer une crise internationale ! Le travail de la semaine a payé, dans une chronologie parfaite.
 
Maintenant, Sarkozy doit à son tour tenir sa promesse. Il annonce qu’il fera le lendemain une escale en Libye avant de prendre le chemin d’une tournée africaine. Le mercredi 25, à 14 h 30, Nicolas Sarkozy s’envole d’Orly. Trois heures plus tard, le voici à Tripoli. A 18 heures, Kadhafi le reçoit dans sa résidence bombardée par les Américains en 1986, et qu’il a transformée depuis en mémorial anti-impérialiste. Un avion américain brisé par le poing de la révolution libyenne trône en sculpture devant l’entrée.
 
Kadhafi fait donner les honneurs militaires et les hymnes nationaux. Sarkozy est en costume sombre, le Libyen porte un complet blanc, des lunettes noires et une barbe de trois jours. Sarkozy a épinglé à sa veste sa Légion d’honneur, Kadhafi, son fameux pin’s géant en plastique noir qui représente l’Afrique. Il conduit Sarkozy et sa suite sous une tente bédouine. Il y a là le ministre Bernard Kouchner, l’ambassadeur de France Jean-Luc Sibiude, Claude Guéant, les conseillers diplomatiques Jean-David Lévitte et Boris Boillon, le porte-parole de la présidence David Martinon et une traductrice. L’entretien dure une heure.
 
D’après les comptes rendus diplomatiques confidentiels, c’est Sarkozy qui ouvre les débats. Il remercie Kadhafi pour la libération des infirmières bulgares et, surtout, de les avoir autorisées à “quitter la Libye dans un avion de la République française”. Puis notre Président confirme qu’il est désormais disposé à instaurer “un partenariat d’exception avec la Libye, à parler de tous les sujets, sans tabous, qu’il s’agisse de la défense, du nucléaire, de l’Afrique et de l’Union méditerranéenne”. Kadhafi lui déroule une longue réponse dans laquelle il revient sur les infirmières bulgares :
 
“Nous avons fait cela pour vous, pour la France, l’Europe et la paix en Méditerranée”.
 
Il insiste sur un point important : cette libération représente un effort difficile pour la Libye. “Il conviendra, rappelle-t-il, d’en tenir compte en aidant la Libye à soigner ses blessures”. Sarkozy le rassure et promet que “la France (tiendra) ses engagements pour l’hôpital de Benghazi, qu’elle aidera la Libye dans son développement et qu’elle entend inscrire ses relations dans une perspective à long terme”.
 
Après ces formules génériques, Kadhafi en arrive à la question nucléaire. Il explique que l’Afrique a besoin de réacteurs atomiques pour dessaler l’eau de mer et propose de naturellement commencer le chantier avec un projet pilote en Libye. Cérémonie de signatures d’accords, l’entretien se termine à 19 heures. Kouchner signe, à côté de l’accord global, deux accords spécifiques : un “mémorandum d’entente” sur la coopération nucléaire et un accord militaire. Un quart d’heure plus tard, tout le monde roule en voiture vers l’hôtel Corinthia. A 20 h 30, juste avant le grand dîner officiel, Sarkozy et Kadhafi se retrouvent seuls pour un court entretien.
 
De quoi se parlent-ils avant de passer à table ? Les documents diplomatiques que nous avons lus ne le disent pas. Le lendemain, à 9 h 20, Sarkozy et ses quatre-vingt-dix accompagnateurs français foncent vers l’aéroport de Syrte et s’envolent pour Dakar. La suite de cette histoire fourmille de questions sans réponses. Cinq mois après le crochet de Sarkozy en Libye, la France reçoit Kadhafi en visite officielle à Paris. Les hommes du protocole français s’étouffent : le Libyen plante une tente bédouine chauffée dans les jardins de l’hôtel Marigny, à deux pas de l’Elysée. Mais il vient les mains pleines. En application des accords signés à Tripoli, il apporte quantité de contrats : promesses d’achat pour quatorze Rafale, l’invendable avion de chasse de Dassault ; pour vingt et un Airbus ; des contrats pour Vinci, pour Veolia, des achats d’armes et bien sûr la centrale atomique.
 
Seul ennui : les médias critiquent l’accueil réservé à un chef d’Etat autrefois familier de la prise d’otages et du terrorisme dans les conflits qui l’opposaient à l’Occident. François Bayrou “s’indigne”. Au sein même du gouvernement, Bernard Kouchner prend ses distances et s’interroge ouvertement sur les “risques” et le bien-fondé de cette connivence avec Tripoli. Surtout, Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux Droits de l’homme, s’insurge.

“Kadhafi, déclare-telle en public, doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits.”
 
A l’époque, ce courage politique lui vaut des articles admiratifs. C’est qu’on ignorait la photo sur laquelle on la voit, cinq mois plus tôt, lors du voyage présidentiel à Tripoli, sympathisant et plaisantant avec le “terroriste” de Tripoli. Cette image ne figure pas dans l’album officiel de la visite. Comme on peut le voir page 48, elle montre une secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme hilare, empoignant la main de Kadhafi à la façon de deux basketteurs ayant mis un panier. Nouvelle question dans ce dossier libyen : pourquoi deux ministres de Sarkozy fraternisent avec Kadhafi, signent avec lui des contrats en juillet puis refusent en décembre de lui serrer la main ? Mystère.
 
En tout cas, “la fronde de Yade et de Kouchner a démoli la confiance de Kadhafi”. C’est un ancien militant nationaliste arabe, aujourd’hui homme d’affaires entre l’Afrique et Paris, qui nous l’affirme. Du temps de la présidence de Kadhafi, cet homme, que nous nommerons Abou Samir, entretenait des contacts avec les deux chefs des services secrets libyens, les célèbres Moussa Koussa et Abdallah Senoussi. En décembre 2007, quand Kadhafi campe près de l’Elysée, Abou Samir rencontre deux hommes de la délégation libyenne dans un restaurant proche de la place de l’Etoile.
 
Ceux-là lui racontent quelques secrets de la visite officielle. “Ils ont vu Kadhafi devenir fou quand Kouchner a boudé sa visite et quand Rama Yade l’a insulté, rapporte Abou Samir. Dans sa conception personnelle du pouvoir, Kadhafi ne pouvait comprendre que le chef Sarkozy ne contrôle pas ses ministres. Mes interlocuteurs l’ont entendu s’énerver contre lui en pestant : “Sarkozy, c’est un Juif : il ne tient pas ses promesses !” A la fin de sa visite, Kadhafi, partant pour Madrid, avait déjà décidé de transformer sa poignée de main avec la France en bras d’honneur à Sarkozy. Cela se manifeste immédiatement : à Madrid, il promet aux entreprises espagnoles douze milliards d’euros de contrats de défense, d’énergie et d’infrastructures, alors qu’il en avait offert seulement dix milliards à la France.”
 
A Paris, pour calmer les critiques liées à l’accueil réservé à Kadhafi, Sarkozy fait valoir les bénéfices de son hospitalité : il y aura des milliards d’euros pour les entreprises françaises, des contrats pour Vinci, Dassault, Veolia, des Rafale, des Airbus achetés par la Libye. “Mais Sarkozy a rêvé !, s’exclame Abou Samir. Pour ne pas dire qu’il s’est vanté. Car Kadhafi, vexé des mots de Yade et du mépris manifesté par Kouchner, était parti furax et bien résolu à niquer Sarkozy.” Deux ans après, en octobre 2009, la Libye n’a encore acheté aucun Rafale. On apprend qu’elle commande, à la place, une vingtaine de chasseurs bombardiers Sukhoi, l’avion de combat russe. Les milliards promis s’envolent…
 
Comme si Kadhafi, après avoir signé tous les accords, avait renoncé à honorer les contrats. Des officiels français, qui avaient travaillé la nuit pour les négocier avec Kadhafi, s’en agacent : on le sait aujourd’hui grâce à un document publié sur le site WikiLeaks, un télégramme diplomatique confidentiel envoyé à Washington par la conseillère politique de l’ambassade américaine à Paris, Kathy Allegrone. Elle raconte les échanges qu’elle a eus avec un diplomate français, sous-directeur du Quai d’Orsay chargé de l’Afrique du Nord. “Les Français, transmet la conseillère, paraissent de plus en plus frustrés en constatant que la Libye ne tient pas ses promesses”. Elle cite les mots du diplomate français :
 
“Nous parlons beaucoup avec les Libyens mais nous avons commencé par voir qu’en Libye les actions ne suivent pas les mots. Les Libyens, ils parlent, ils parlent mais ne nous achètent rien.”
 
C’était en février 2010. Un an plus tard, le 10 mars 2011, quand Kadhafi affronte en Libye une insurrection armée, Nicolas Sarkozy soutient les rebelles et reconnaît leur Conseil national de transition. Dans la journée, Kadhafi réplique en promettant de “révéler un grave secret qui entraînera la chute de Sarkozy”. Six jours plus tard, le 16 mars, sur Euronews, le journaliste Riad Muasses interroge le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, alors numéro 2 de l’Etat. Il lui demande ce que pense le régime libyen du président Sarkozy. Le jeune dirigeant donne une réponse qui laisse le journaliste sans voix :
 
“Tout d’abord, il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne présidentielle. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide pour qu’il oeuvre pour le peuple libyen mais il nous a déçus.”
 
Trois jours après, le samedi 19 mars 2011, Nicolas Sarkozy ordonne à huit chasseurs-bombardiers Rafale de décoller de la base de Saint-Dizier dans l’est de la France. Quelques minutes plus tard, les avions lâchent leurs bombes sur l’armée de Kadhafi. Fin des accords franco-libyens. Dans sa course au pouvoir, qui dure depuis trente ans, Nicolas Sarkozy s’est révélé comme l’as de la rhétorique imparable. Le 17 avril dernier, sur France Inter, il jurait que jamais il n’avait été question de vendre une centrale à Kadhafi. Gros risque, lorsqu’on va affronter les électeurs la semaine suivante.
 
Mais aujourd’hui, un grand pan de la politique se joue au-delà de la vérité ou du mensonge. Il est ici question seulement d’imaginaire et de storytelling : l’art de savoir conter la bonne histoire, celle qui s’adresse au coeur des émotions sensibles. En 2007, quelques jours avant le premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy mettait en scène un récit qui a ridiculisé les journalistes français pour longtemps. Le voici en Camargue, altier sur un beau cheval blanc. Derrière lui, un pesant tracteur tire une remorque à gros pneus chargée de journalistes en groupe avec micros, perches et caméras, comprimés comme une botte d’asperges. Brillant symbole ! Regardons la scène : elle éclaire la puissance que peut prendre aujourd’hui le langage politique. Le cavalier Sarkozy portait un jean bleu ciel et une chemise rouge à carreaux de cow-boy.
 
En jouant le vacher américain et son mythe, il flattait un électorat que les sondages oublient mais qui a son poids en France : la foule immense, sentimentale, étrangère au clivage droite gauche, des amoureux de Johnny Hallyday et de son rêve américain. Chemise rouge à carreaux, jean clair : même chemise et même jean que portait, cinq ans plus tôt, un autre candidat. Quelques jours avant son élection, George W. Bush se faisait filmer dans cette panoplie en train de scier un tronc d’arbre dans son ranch du Texas. Un pur cow-boy : le gars avec lequel l’Américain veut boire une bière le jour de Thanksgiving.
 
Ce n’est pas du président Bush que Nicolas Sarkozy s’inspire en Camargue, c’est de la science de son conseiller en communication : Karl Rove. Ce génial manipulateur avait fait élire Bush avec des techniques de communication qui s’adressaient directement aux émotions et au cerveau reptilien des électeurs américains, surtout pas, le moins possible, à leur raisonnement. Ainsi Sarkozy jurant qu’il n’a jamais joué avec Kadhafi et l’atome. Ce n’est pas un trou de mémoire et qu’importe si on dénoncera ensuite le propos comme un mensonge. Il n’y a là qu’une contre-attaque destinée à laisser celui qui dit la vérité dans l’embarras, un fou capable d’imaginer que lui, le président des Français, ait jamais pu risquer ainsi la sécurité de la planète. C’est une vieille évidence du discours politique : un mensonge asséné avec caractère l’emportera toujours sur la vérité la mieux documentée.

Kadhafi assassiné par la DGSE ?

D'anciens dirigeants du Conseil national de transition libyen (CNT) qui ont combattu l'année dernière comme des intermédiaires de l'OTAN dans la guerre contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi en Libye ont accusé le président français d'alors, Nicolas Sarkozy, d'avoir commandité l'assassinat du dirigeant libyen le 20 octobre 2011.
 
Dans un entretien le 2 octobre sur le site Médiapart, Rami El Obeidi, ancien coordinateur des services de renseignement étranger du CNT a affirmé que des « des agents français ont directement exécuté Kadhafi.» Il a dit que c'était en raison des menaces que Kadhafi avait proférées, un peu avant que la France ne lance la guerre contre la Libye avec le soutien de l'OTAN, de révéler les dons secrets qu'il avait faits à Sarkozy en 2007 pour financer la campagne présidentielle de Sarkozy.
 
Obeidi a ajouté, « La menace d’une révélation d’un financement de Sarkozy en 2006-2007 a été suffisamment prise au sérieux pour que quiconque à l’Élysée veuille la mort de Kadhafi très rapidement. »
 
Peu après que la nouvelle eut fait surface, le 1er octobre, le journaliste du Monde Barbouch Rachid a noté sur un blog que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères du nouveau gouvernement du Parti socialiste (PS) avait refusé de confirmer ou d'infirmer les allégations de Obeidi et les reportages y afférant. Malgré cela, les responsables et les médias français ont en grande partie enterré l'affaire. Le 2 octobre, Le Parisien faisait remarquer: «Ce weekend les responsables français se sont abstenus de tout commentaire sur ces révélations. »
 
Le 29 septembre, le quotidien italien Corriere della Sera confirmait les déclarations de Obeidi: « Mahmoud Jibril, ancien premier ministre du gouvernement de transition... a relancé la version d'un complot ourdi par un service secret étranger. 'C'était un agent étranger infiltré dans la brigade révolutionnaire qui a tué Kadhafi' a-t-il dit sur une chaîne de la télévision égyptienne le 27 septembre. »
 
Le quotidien cite des diplomates occidentaux à Tripoli disant que si un agent étranger était impliqué, «ce ne ne pouvait être qu'un Français. »
 
Le 1er octobre, Le journal britannique Daily Mail a parlé d'un agent étranger: « Il aurait infiltré un groupe violent en train de mutiler le dictateur libyen capturé et lui aurait tiré une balle dans la tête. »
 
Le journal ajoute, « Dans un autre épisode sinistre de l'histoire, un jeune homme de 22 ans qui se trouvait dans le groupe qui attaquait Kadhafi et qui, à plusieurs reprises, a brandi son fusil et dit l'avoir tué, est mort à Paris lundi dernier. » Des reportages de presse ont identifié le jeune homme comme étant Omran ben Chaaban, un ancien combattant rebelle de 22 ans qui est décédé dans la nuit du 1er octobre. On le voyait sur plusieurs photos et vidéos de l'assassinat de Kadhafi.
 
Des informations disponibles suggèrent qu'il avait des liens avec l'Etat français et qu'il pourrait être l'agent auquel Obeidi fait référence. Des responsables français ont recueilli Ben Chaaban après qu'il eut été capturé et torturé par des partisans de Kadhafi et reçu deux balles lors d'une tentative d'évasion. Il a ensuite été transféré dans un hôpital français en septembre où il est décédé.
 
Obeidi a dit que c'était le président syrien Bashar el-Assad qui avait donné le numéro de téléphone du téléphone satellite Iridum de Kadhafi au service de renseignement français ainsi qu'à l'armée française la première semaine d'octobre, ce qui leur avait permis de le localiser et de suivre ses mouvements. Ensuite, « La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) a procédé à l'exécution. »
 
Selon le quotidien britannique Daily Telegraph,Obeidi a ajouté: « En échange de cette information, Assad a obtenu la promesse d'une période de grâce de la part de la France et de moins de pression politique sur le régime, ce qui a effectivement été le cas. »
 
Obeidi a ajouté qu'un rapport de son service de renseignement sur le rôle de la France dans la mort de Kadhafi avait été censuré, « parce que M. Sarkozy contrôlait la politique du CNT aux côtés de l’émir du Qatar. Je ne sais pas si ce rapport existe encore. »
 
Ce n'est pas la première fois que des allégations ont émergé concernant une implication du renseignement français dans l'assassinat de Kadhafi. Le 26 octobre 2011, cinq jours après le meurtre de Kadhafi, l'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné, rapportait que le mercredi 19 octobre en fin d'après-midi, un colonel du Pentagone avait téléphoné à un de ses contacts du service secret français. L'Américain avait annoncé que le dirigeant libyen, recherché par des drones Predator américains, était piégé dans un quartier de Syrte et qu'il était maintenant impossible de le « manquer. »
 
Dans le reportage du Le Canard Enchaîné, le responsable américain a ajouté que si Kadhafi s'en tirait, il deviendrait une «véritable bombe atomique. » 

Le Canard écrit que la Maison Blanche avait dit, « Il faut éviter de fournir à Kadhafi la tribune internationale que représenterait son éventuel procès. » Il ajoute, « À l’Élysée, on savait depuis la mi-octobre que Kadhafi et l’un de ses fils s’étaient réfugiés à Syrte... Et Sarkozy avait chargé le général Benoit Puga, son chef d’état-major particulier, de superviser la chasse à l’ancien dictateur. ... À la DGSE comme à la DRM on ne se gêne pas d’ailleurs pour évoquer l’ «élimination physique »du chef libyen. » 

Le gouvernement Sarkozy avait refusé à ce moment de commenter et l'élite politique et les médias en France avaient gardé le silence. Le gouvernement Hollande continue à étouffer l'affaire.
 
Néanmoins ces révélations soulignent le caractère criminel de l'exécution extra-judiciaire de Kadhafi, qui avait entretenu des relations étroites avec les chefs d'Etat de toutes les grandes puissances de l'OTAN avant la guerre en Libye, et plus largement le caractère criminel de la guerre elle-même. Cette guerre menée cyniquement au nom de la « démocratie » par les Forces spéciales de l'OTAN et par des bombardements aériens intensifs sur Tripoli et Syrte, a installé au pouvoir un ramassis de milices droitières et a culminé dans l'assassinat de Kadhafi.
 
La couverture et les commentaires médiatiques de la « gauche » bourgeoise et ex-radicale ont été minimes. Ces forces elle-mêmes sont politiquement impliquées du fait de leur soutien politique à la guerre. Le PS a soutenu la guerre néo-coloniale de Sarkozy en Libye en 2011, tout comme le Nouveau Parti anticapitaliste, le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon et les Verts.
 
Seul l'ancien ministre de la Défense de Sarkozy, Gérard Longuet a présentement apporté ce démenti défensif dans le Le Parisien: «Kadhafi tué par un espion français? C'est totalement farfelu! Absolument pas crédible. Il n'en a jamais été question. » 

En fait, ces allégations sont totalement crédibles, notamment du fait du silence assourdissant du gouvernement français sur la question. Non seulement il était largement reconnu que les Forces spéciales françaises avaient une présence et des contacts très importants au sein de la Libye durant la guerre, qui auraient pu perpétrer l'assassinat, mais Kadhafi avait aussi des avoirs financiers conséquents dans les banques occidentales. Au début de la guerre, ces banques ont gelé entre 100 et 160 milliards de dollars que Kadhafi y avait investis.
 
Les responsables libyens auraient eu toutes les occasions d'envoyer une partie de cet argent pour financer les élections présidentielles françaises. Il y a eu maintes révélations sur la manière dont les partis conservateurs et ceux de la « gauche » bourgeoise » ont été financés par des dictateurs africains des anciennes colonies françaises tel le Gabon, dans le cadre du néo-colonialisme « Françafrique. »


Peut être qu’un jour le peuple français aura vent des véritables intérêts qui se jouaient. En attendant, c’est un secret de Polichinelle qu’Omran Ben Chaaban n’a pas tué le Guide. Ce jeune libyen de 22 ans est « célèbre » pour avoir exhibé le pistolet en or de Kadhafi. Enlevé et blessé par des partisans de l’ex dirigeant., il avait été rapatrié dans un hôpital … parisien. Il est mort lundi 25 septembre 2012.